INTERVIEW 🎙️ Professeur de mathématiques au collège de l’Eganaude à Biot, dans les Alpes-Maritimes, et président de la Régionale Nice–Corse de l’APMEP, Sylvain Etienne explore depuis plusieurs années l’apport du digital dans la pédagogie des mathématiques. Rencontre avec un enseignant passionné, pour qui pensée algorithmique, calculatrices avancées et autonomie des élèves constituent des leviers d’apprentissage essentiels.
Du « numérique » au « digital » : une précision utile
Dès les premières minutes de l’entretien, Sylvain Etienne souligne un point fondamental : les mots comptent.
J’ai arrêté de parler de numérique, je parle plutôt de digital (…) parce que numérique ça veut dire nombre. On ne s’était pas compris avec un collègue, alors je parle désormais d’usage digital.
Pour lui, la démarche n’est pas centrée sur la machine mais sur la pensée qu’elle accompagne : la pensée algorithmique.
La pensée algorithmique : un levier au cœur des mathématiques
Selon l’enseignant, développer une pensée algorithmique ne nécessite pas forcément un ordinateur :
La pensée algorithmique, on n’est pas obligé d’être sur un ordinateur pour le faire. Évidemment, c’est intéressant ensuite de le mettre dans une machine, mais il y a toute une pensée à faire découvrir aux élèves.
Les mathématiques forment un terrain privilégié pour apprendre à organiser des instructions, structurer un raisonnement ou utiliser un langage clair.
Dans un programme, on commence toujours par des instructions, comme se mettre au centre, se tourner dans le bon sens… Ce sont des prérequis que l’on retrouve dans un théorème. On peut faire des parallèles et donc du transfert.
Des outils digitaux… mais surtout des pratiques pédagogiques
Si les salles informatiques existent, elles sont parfois trop peu nombreuses ou peu fiables. Sylvain Etienne valorise donc l’usage d’outils plus accessibles : les calculatrices à fonctionnalités avancées.
Les quatre opérations, ce n’est pas pour ça qu’on sort la calculatrice. Je l’utilise vraiment pour des fonctionnalités avancées, par exemple détourner un module de statistiques pour en faire un tableur et faire du tableur cinq minutes sans bouger en salle info. »
Ce détour technologique léger permet ainsi d’intégrer le digital au quotidien de la classe.
Former, produire, accompagner : son travail avec Texas Instruments
Membre du collectif T³ (Teachers Teaching with Technology), Sylvain Etienne contribue à la création de ressources pour Texas Instruments. Il a notamment co-écrit un livret structuré en trois volets :
- Des exercices du DNB où la calculatrice est mise au service du raisonnement.
- Des activités de recherche centrées sur la modélisation et la pensée mathématique.
- Un “Permis TI Collège”, un dispositif progressif en 22 fiches, dont il est particulièrement fier.
Ce permis se décline en 22 fiches, chacune pointée sur une compétence particulière en mathématiques où la calculatrice apporte une plus-value. À la fin, l’élève obtient un joli diplôme pour attester qu’il est expert en TI collège. »
Autonomie, mémorisation et effort : les piliers du “Permis TI”
La progression ne se limite pas aux outils : elle repose aussi sur une conception cognitive exigeante.
Il faut plier la fiche en trois : d’un côté l’énoncé, puis les questions, et il faut retourner la feuille si on veut revoir la procédure. Cet effort est important pour la mémorisation. »
Une partie des solutions reste cachée pour encourager l’autonomie, générant des séances fluides où l’enseignant peut aider plus précisément ceux qui en ont besoin.
Les élèves sont quasiment en autonomie complète, et on peut se concentrer sur ceux qui ont vraiment besoin d’aide. »
Vers une culture digitale éclairée en mathématiques
Pour Sylvain Etienne, l’intégration intelligente du digital ouvre des perspectives pédagogiques qui allègent la charge cognitive des élèves et libèrent leur capacité de raisonnement.
Entre rigueur mathématique, innovation pédagogique et plaisir d’apprendre, son engagement témoigne de l’évolution profonde de l’enseignement des mathématiques aujourd’hui.




