Selon une étude du CSA en 2022, 84% des 13-17 ans s’informent à partir des vidéos présentes sur les réseaux sociaux, loin devant les articles écrits (10%) et les contenus audios (6%). Une étude de la fondation Jean Jaurès publiée en 2023, sur la mésinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux, montre que l’adhésion à des vérités « alternatives » ou des contre-vérités qu’elles soient scientifiques, environnementales, politiques, médicales ou historiques n’est pas marginale avec seulement 31% des 18-24 ans qui rejettent en bloc toutes ces thèses contre 69% qui sont d’accord avec au moins une de ces affirmations. D’après ce même rapport, c’est dans les rangs des utilisateurs pluriquotidiens des réseaux sociaux, les jeunes ayant des conditions sociales défavorisés ou se disant « croyants et religieux » que ces vérités « alternatives » prospèrent. Il s’avère donc nécessaire et essentiel d’éduquer et de développer l’esprit critique vis-à-vis de vidéos présente sur les réseaux sociaux chez ces jeunes.
D’autre part, les recherches en sciences cognitives montrent que les vidéos comportent des stimuli visuels et sonores non pertinents (mise en scène, décors, effets sonores et visuels) qui détournent l’attention des élèves du contenu principal de la vidéo, ce qui perturbe la sélection et le maintien de l’attention sur les informations clés, la mémorisation et la compréhension profonde du contenu. Un usage réfléchi et maîtrisé des vidéos s’impose donc pour éviter que l’attention des élèves ne soit détournée au détriment des apprentissages.
La plateforme POUCEEC a été conçue dans ce sens dans le cadre d’un projet de recherche e-Fran1, par la collaboration entre des chercheurs en sciences de l’éducation (laboratoire CNRS CLLE à l’université de Toulouse), les académies de Toulouse, Aix-Marseille et Lyon, des professeurs du 2nd degré (notamment dans 18 établissements de l’académie de Toulouse) et des développeurs informatiques. Elle a notamment pour objectif de former les élèves à l’évaluation de la fiabilité des sources et des arguments apportés par des ressources vidéos, et à se forger une opinion éclairée à la fois sur les informations apportées et leurs auteurs. Les fonctionnalités innovantes qu’offre la plateforme permettent en outre de maintenir l’attention des élèves sur le contenu, la qualité des arguments ou la fiabilité des sources sans se laisser influencer par des distracteurs.
Apport du numérique :
La plateforme POUCEEC permet de réaliser des parcours pédagogiques numériques à partir de vidéos présentes sur la plateforme elle-même, déposées par l’enseignant, trouvées sur YouTube, ou réalisées avec des élèves, en utilisant des fonctionnalités innovantes :
- Le tri de vidéo : les vidéos peuvent être triées dans des catégories prédéfinies par l’enseignant, par exemple « vidéo fiable », « vidéo non fiable » ou encore « vidéo présentant un savoir scientifique » ou « vidéo présentant une croyance », « vidéo présentant une opinion ». Cette fonction permet de prendre conscience des biais cognitifs introduits par les vidéos afin d’aider les élèves à s’interroger sur le contenu et gagner en discernement vis-à-vis des distracteurs.
- Le prompting : des questions ouvertes, des QCM ou des échelles de Likert peuvent être insérées à tout moment et autant de fois que l’on souhaite au cours de la vidéo. En effet, le prompting permet d’attirer et de focaliser l’attention des élèves à des moments précis de la vidéo et sur des informations importantes sans se laisser détourner par les distracteurs.
Ces deux fonctionnalités d’interaction avec les vidéos permettent de maintenir l’attention des élèves sur le contenu des vidéos et de les faire réfléchir à la qualité des sources et des informations. Sur la plateforme, les élèves ont également la possibilité, à tout moment, de revoir la ou les vidéos, et de modifier leurs réponses s’ils le souhaitent.
Toutes les réponses données par les élèves sont présentes sur un tableau de bord accessible à l’enseignant. Cela offre un double avantage :
- Permettre un retour réflexif avec le groupe classe et une participation non stigmatisante des élèves (les réponses récoltées étant anonymes) ;
- Ajuster son enseignement en fonction des réponses apportées par la classe.
De nombreux parcours sont déjà disponibles sur la plateforme, certains sont transversaux (en particulier au prisme de l’éducation au développement durable et de l’éducation aux médias et à l’information), d’autres plus disciplinaires, et toutes les disciplines sont concernées. Ils s’adressent à des élèves de la sixième à la terminale (quelles que soient les voies de formation), et sont conçus pour une durée d’activité de l’élève de 10 à 30 minutes environ. La plateforme offre également la possibilité de dupliquer un parcours existant de façon à le modifier et l’adapter à ses propres objectifs d’enseignement. Il est également possible de créer entièrement un parcours à partir de vidéos et de questionnements choisis par l’enseignant.
1e-fran.education.gouv.fr/projet-pouceec
Relation avec le thème de l’édition :
L’enseignant conçoit ou modifie un parcours sur la plateforme POUCEEC afin d’aborder la thématique de son choix. Après une situation d’appel et une contextualisation de la problématique, les élèves réalisent de manière individuelle et à leur rythme le parcours. Les activités du parcours, tels le prompting, et le tri des vidéos, permettent de maintenir et focaliser l’attention des élèves sur les sources, les arguments et les compétences de l’esprit critique : fiabilité des sources et qualité des arguments en prenant conscience des éventuels biais cognitifs introduits par les distracteurs. A la fin d’un parcours, les élèves disposent d’éléments de réflexion leur permettant de prendre position sur un sujet donné par une argumentation éclairée. Ceci peut donner lieu, par exemple, à un débat ou un jeu de rôle pour poursuivre la séance et la réflexion.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
J’ai utilisé la plateforme avec des élèves de 6ème, 4ème et 3ème, sur les thématiques de l’alimentation durable, de l’IA et de la vaccination, traitées indépendamment les unes des autres. Je ne développerai ici que l’expérience avec les élèves de 4ème.
La problématique de la séance est : Comment se forger une opinion éclairée sur l’impact de l’intelligence artificielle dans nos vies et notre société ?
L’objectif est double : « Comprendre l’utilité et les dangers de l’IA dans notre quotidien » et « Développer son esprit critique en évaluant la qualité des arguments et en distinguant savoir, croyance et opinion ».
Les élèves sont amenés à se positionner en début de séance sur l’impact de l’IA dans nos vies et notre société avec feu rouge (opinion négative), feu orange (les 2) ou feu vert (opinion positive). Ils se positionnent, a priori, avec une majorité de feux rouges, quelques feux orange et très peu de feux verts. Quelques arguments sont recueillis à l’oral mais ils sont peu nombreux et peu précis.
Les élèves réalisent ensuite, de manière individuelle, le parcours POUCEEC incluant du tri de vidéos à partir d’interviews de représentants de différents corps de métier (1 minute chacune) : informaticien, médecin, enseignant, chef d’entreprise, journaliste, père de famille. Ces vidéos ont été tournées en amont avec des élèves volontaires qui ont « créé » leur personnage avec des arguments tranchés basés sur des savoirs, ou des opinions ou des croyances. Le parcours POUCEEC comporte aussi une vidéo issue de Lumni (3 minutes) expliquant les dangers de l’IA, pour laquelle le prompting est utilisé.
Durant la phase collective qui s’ensuit, les élèves sont capables de donner tous les arguments en faveur ou contre l’IA présents dans le parcours, un tableau est complété. Alors que leur positionnement était en majorité négatif en début de séance, ils se rendent compte de la complexité de la réponse à cette problématique, les avis deviennent alors moins tranchés et leurs arguments plus quantitatifs et qualitatifs. Ils rédigent alors leur propre opinion argumentée pour répondre à la problématique. Ils sont ensuite capables de participer à une battle orale en incarnant soit une personne ayant une opinion négative ou une opinion positive sur l’impact de l’IA dans notre quotidien.
À l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 22ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « ATTENTION et PARTICIPATION en classe & numérique ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 25 août.
Laurence Delprat présentera l’atelier « Une plateforme numérique innovante pour permettre aux élèves de focaliser leur attention sur le contenu et les informations clés d’une vidéo afin d’ajuster leur niveau de confiance et de se forger une opinion éclairée. » sur la session III : SESSION III : DÉFIS DE LA PARTICIPATION ET DE L’ATTENTION EN CLASSE DANS UN CONTEXTE NUMÉRIQUE SOCIÉTAL, mercredi 27 août matin.
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Plus d’infos : www.ludovia.fr
