🎥 À LUDOVIA#BE, Mikael Degeer, Directeur du Département pédagogique de la Haute École Charlemagne et Jean-François Céci, Professeur en technopédagogie et technologies numériques en éducation à l’Université de Liège ont partagé leur vision d’un numérique éducatif à la fois utile, réfléchi et responsable.
Entre référentiels de compétences, enjeux environnementaux, IA générative et nouvelles valeurs à transmettre, la didactique du numérique entre dans une phase décisive. Voici ce qu’il faut retenir et vous pouvez visionner la version intégrale en vidéo ci-dessus.
Didactique : un pont entre savoirs, enseignants et apprenants
Jean-François Céci commence par rappeler les fondamentaux :
la didactique est la science qui interroge ce qu’on enseigne et comment on l’enseigne. Elle constitue le pont entre :
- l’enseignant et le savoir (relation didactique),
- l’enseignant et l’élève (relation pédagogique),
- l’élève et le savoir (apprentissage).
Appliquée au numérique, la didactique s’attache à définir quels savoirs numériques transmettre, de quelle manière, et avec quels objectifs citoyens.
Du référentiel européen DigCompEdu à la version belge
Mikael Degeer rappelle que la Belgique, comme d’autres pays européens, a travaillé à partir du référentiel DigCompEdu, structuré en cinq grands domaines :
- Information et données : comprendre ce qu’est une donnée, comment elle circule, est stockée, transformée.
- Communication et collaboration : coopérer en ligne, utiliser les réseaux sociaux en sécurité.
- Création de contenus : du traitement de texte à la vidéo, jusqu’à l’apprentissage du code et de la pensée algorithmique.
- Sécurité : protéger les outils mais aussi les personnes, en ligne comme hors ligne.
- Résolution de problèmes (non retenu en Belgique car considéré comme transversal).
Ce travail de transposition vise à définir à quel âge enseigner quoi, et à quel niveau de maîtrise.
Un référentiel stable malgré l’évolution rapide du numérique
Les technologies changent, mais les invariants restent : il y aura toujours des données, de la communication, des contenus.
Ces invariants permettent de construire un référentiel pérenne, même s’il doit être régulièrement ajusté — l’explosion de l’IA générative en est un bon exemple.
Quand la technique ne suffit plus : vers une éthique du numérique
Pour Jean-François Céci, les compétences numériques ne peuvent plus se limiter au savoir-faire technique.
Les pratiques sociales évoluent, les enjeux environnementaux s’imposent, et le numérique a désormais une empreinte qu’il faut comprendre.
Il insiste sur la nécessité d’enseigner des valeurs morales liées aux usages :
- sobriété numérique,
- limitation des impacts environnementaux,
- développement d’un esprit critique,
- compréhension des enjeux de l’IA.
Les six niveaux de prudence numérique
Avec Laurent Heiser (Université de Nice), il a élaboré une typologie en six niveaux, allant du bien-être individuel au bien-être collectif et planétaire.
Un concept clé émerge :
la « terrienneté numérique« , qui remplace l’ancienne notion de citoyenneté numérique, jugée trop limitée.
L’idée : penser nos usages non à l’échelle de la cité, mais de la planète.
Former des enseignants capables de former des citoyens éclairés
Les institutions d’enseignement supérieur doivent jongler entre :
- les attentes des entreprises, qui demandent des compétences opérationnelles,
- et la responsabilité sociétale, qui appelle à des usagers du numérique conscients et prudents.
Pour Mikael Degeer, les étudiants rencontrent des enseignants aux profils variés : certains très utilisateurs, d’autres très critiques.
C’est à eux, futurs enseignants, de construire leur propre posture, éclairés par les formations reçues et par leur conscience citoyenne.
La prudence numérique, la sobriété, les impacts écologiques du numérique…
ces dimensions sont présentes dans les référentiels, mais nécessitent encore un important travail de déclinaison en dispositifs concrets, mené par les équipes de recherche.
Un mouvement sociétal, amplifié mais encore fragile
Avant le Covid, les mobilisations climatiques avaient sensibilisé de nombreux élèves.
La pandémie a ralenti cette dynamique, même si les préoccupations environnementales restent fortes chez les jeunes.
Pas encore de « révolte » contre les technologies très consommatrices, comme en France dans certaines grandes écoles, mais une vigilance croissante.
Bien-devenir numérique : apprendre à faire avec… mais mieux
Pour Jean-François Céci, l’objectif n’est pas de « faire moins de numérique » mais de mieux l’utiliser :
“On n’instrumente que lorsque cela apporte une vraie plus-value à l’apprentissage.”
L’enjeu n’est pas un rejet du numérique, mais une utilisation raisonnée, consciente, éthique.
Une approche qui nécessite de former les enseignants à analyser, questionner, choisir — et parfois renoncer.
Conclusion : un champ émergent, des enjeux immenses
Didactique, éthique, sobriété, prudence, compétences techniques :
le numérique éducatif n’a jamais été aussi riche ni aussi complexe.
Entre référentiels européens, valeurs sociétales et impératifs environnementaux, l’école dispose d’un levier unique pour préparer des “terrien·ne·s numériques” responsables, capables de comprendre et d’anticiper les impacts de leurs usages.
À LUDOVIA#BE, les deux intervenants le rappellent :
la route est longue, mais les bases sont posées, et la prise de conscience progresse à grande vitesse.




